Enseigner aux garçons

Sommaire

Des précautions en introduction
Les chiffres
Une différence liée à l’évolution
Dès la fécondation
Le cerveau
Différences structurelles entre le cerveau masculin et le cerveau féminin
L’évolution biologique
Le cas particulier des mathématiques
Les attentes de la société envers les garçons
Les besoins exprimés par les garçons
Les solutions pour la classe
Conclusion

Des précautions en introduction

AVANT TOUTE CHOSE, DIRE QUE L’ÉCOLE FAIT ÉCHOUER TOUS LES GARÇONS SERAIT UN RACCOURCI MALHEUREUX QUI VIENDRAIT RENFORCER LES STÉRÉOTYPES SEXUELS. LES ÉTUDES DES CHERCHEURS BRITANNIQUES YOUNGER ET WARRINGTON N’ONT D’AILLEURS TROUVÉ AUCUNE CORRÉLATION SIGNIFICATIVE ENTRE LE GENRE ET LE STYLE D’APPRENTISSAGE.

Si la science nous apporte quelques traits partagés par la majorité des garçons, les difficultés scolaires devraient toujours être analysées précisément et traitées en conséquence. Car, comme le démontre le dernier rapport PISA, la performance scolaire est affectée par de multiples facteurs : le genre, l’origine sociale et économique, le statut d’immigré, le lieu de vie, la composition de la famille… De plus, même si les filles surpassent les garçons dans certaines disciplines (notamment, la compréhension et l’expression écrite), ces derniers prennent le dessus en science.

Enfin, il est important de mentionner les résultats de toutes les études : si ces différences de performances scolaires influent sur les domaines dans lesquels ces élèves travailleront plus tard, Warrington et al., qui étudient les stratégies pour augmenter la réussite des garçons dans les écoles secondaires, concluent que « ce sont dans les écoles où les constructions liées aux spécificités de chaque sexe sont moins présentes que les garçons ont de meilleurs résultats (Martino, 2008). Ce sont les stratégies qui visent à réduire les constructions liées aux différences entre les sexes qui sont plus efficaces pour améliorer leur rendement ».

D’autre part, la différenciation des sexes au sein de la classe pourrait accentuer les stéréotypes et les a priori à l’origine des inégalités homme-femme. Elle doit donc être mise en place avec grande précaution. Néanmoins, il est intéressant d’évaluer si la mixité assure pleinement l’égalité.

En effet, les progrès réalisés ces dernières années en termes de parité pourraient avoir un effet inverse si nous n’y prêtons pas attention. La féminisation du corps professoral, l’apparition de publicités intégrant l’image de l’homme-objet… ne choquent pas les adultes que nous sommes parce que nous avons connu l’autre extrême, mais qu’en sera-t-il des enfants élevés au milieu de ces nouveaux clichés?

De plus, rien ne nous empêche d’adapter le milieu scolaire au comportement naturel des garçons et ainsi, d’améliorer leur expérience au cours de ces années. En conservant bienveillance et respect envers les deux sexes, une approche différenciée, qui a pour but la réussite et l’accomplissement de tous les élèves, ne peut être que bénéfique.

Finalement, les chiffres qui suivent sont là pour démontrer les effets inégalitaires de l’école actuelle sur les deux sexes. Des études menées en Australie ont montré que l’éducation non mixte sans autre modification de l’approche pédagogique n’avait aucun impact sur les résultats des garçons, voire que les résultats étaient moins bons à cause de la recrudescence de discipline par les enseignants et donc, de l’exacerbation du comportement négatif des garçons.

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Les chiffres

Selon le projet 100 girls, réalisé aux États-Unis, pour 100 filles dans la même situation, on compte aujourd’hui :

  • 335 garçons renvoyés de l’école;
  • 217 garçons inscrits en éducation spécialisée;
  • 276 garçons ayant des difficultés d’apprentissage;
  • 324 garçons ayant des troubles émotionnels diagnostiqués;
  • 194 garçons qui redoublent la maternelle;
  • 322 garçons de 4e secondaire qui jouent aux jeux vidéo une heure par jour ou plus;
  • 68 garçons de 4e secondaire impliqués dans des activités de travail communautaire au moins une fois par semaine.

On note aussi une plus grande proportion de garçons chez les enfants atteints de troubles d’apprentissage.

Selon Statistique Canada, les garçons sont :

  • trois fois plus susceptibles que les filles d’être atteints de trouble de déficit de l’attention/hyperactivité (TDA/H) : un garçon sur dix en serait atteint. Des études menées en Amérique du Nord ont montré que les garçons sont cinq fois plus nombreux à être médicamentés pour hyperactivité;
  • trois fois plus susceptibles d’être atteints de dysphasie (trouble de la communication orale);
  • de deux à trois fois plus susceptibles d’être atteints de dysorthographie (défaut d’assimilation des règles d’orthographe);
  • quatre fois plus susceptibles d’être atteints du syndrome d’Asperger (trouble envahissant du développement caractérisé par un retard de développement des compétences et des comportements sociaux).

On note également que, parmi les formes d’autisme dites à haut potentiel, les garçons sont touchés six fois plus que les filles. Une étude de l’American Journal of Human Genetics a montré que les filles sont autant exposées à cette maladie génétique que les garçons, mais il semblerait que leur cerveau « compense » mieux. L’environnement pourrait être un facteur important de cette meilleure adaptation (éducation, influence psychologique, etc.).

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Une différence liée à l’évolution

Les biologistes expliquent la différenciation entre les hommes et les femmes par l’évolution naturelle de l’Homme conduite par ses besoins. La chasse et la protection, principales activités de l’homme, ont mené au développement de compétences spatiales et mécaniques. Dans ce contexte, l’acuité visuelle est bien plus importante que la sensibilité sensorielle, réservée à la femme, qui prend soin des enfants. Le cerveau s’est donc adapté en préparant l’homme au mouvement (avec un flux sanguin plus important, par exemple) et la femme, à la parole et aux échanges.

Dès la fécondation

Des chercheurs ont démontré la présence de marqueurs de chromosomes sexuels dans le cerveau. Ces marqueurs entraînent le bombardement d’hormones (intense entre le deuxième et le cinquième mois de gestation) dans l’utérus qui formatent le cerveau féminin ou masculin. À quatre jours, les filles sont capables de maintenir le contact visuel avec un adulte deux fois plus longtemps que les garçons; à quatre mois, les filles sont plus capables que les garçons de faire la distinction entre un proche et un étranger. Les garçons, au même âge, passent beaucoup de temps à observer les objets en mouvement, alors que les filles vont plutôt se concentrer sur les personnes qui s’occupent d’elles.

Contrairement à ce que disait la science il y a 30 ans, le genre n’est pas seulement une question de développement culturel et social. Il est inné et se développe ensuite au sein de la culture. Cela explique l’échec de notre système éducatif auprès des garçons : on ne peut enseigner de la même façon à deux types de cerveaux dont le disque dur est différent. On ne peut pas non plus attendre le même comportement chez les deux sexes. Une solution serait d’adapter notre enseignement au fonctionnement naturel des garçons plutôt que d’essayer, en vain, de les transformer en un modèle qu’ils ne parviendront jamais à suivre.

Le cerveau

On observe des différences dans le développement du cerveau des garçons et des filles :

  • Le langage est développé plus tardivement chez les garçons (après trois ans). Le langage participant à l’autonomie, il est probable que ce retard les pousse à manifester plus de dépendance. Il explique également leur faible capacité à exprimer leurs émotions avec des mots plutôt qu’avec des gestes, parfois violents. Cette attitude influence d’ailleurs le regard des adultes sur le garçon, alimentant ainsi ce stéréotype de façon insidieuse;
  • D’autre part, l’étude de Douglas D. Burman en 2008 a démontré que les filles traitent l’information lue ou entendue par l’aire cérébrale du langage uniquement. En parallèle, les garçons l’associent à l’aire visuelle si l’information est lue et à l’aire auditive si elle est entendue. En d’autres termes, les garçons gardent tous leurs sens actifs.

Différences structurelles entre le cerveau masculin et le cerveau féminin

Les chercheurs ont identifié plus de cent différences structurelles entre le cerveau masculin et le cerveau féminin. En voici quelques-unes. Les objectifs scolaires ne tiennent toutefois pas compte de ces différences. Par exemple, demander à un garçon en fin de maternelle d’écrire son nom proprement ou de rédiger un paragraphe complet en fin de 1re année sont des objectifs plus difficiles à atteindre.

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L’évolution biologique

La puberté apparaît en moyenne deux ans plus tôt chez les filles que chez les garçons. Or, cette étape est associée à une croissance neurologique aussi importante que celle des trois premières années de vie. La capacité d’abstraction, notamment, se développe à la puberté. (D’où un décalage entre les filles et les garçons sur cette compétence.)

Selon le docteur Clerget, la puberté a également des effets non négligeables sur le comportement des garçons. En effet, « la testostérone libérée en début de puberté provoque des comportements impulsifs, de l’agressivité, des conduites désordonnées, des défauts d’attention et de concentration. » Il ajoute que la croissance des garçons (plus importante que celle des filles) et la sécrétion de l’hormone de croissance qui y est associée engendrent une grande fatigue dont il faut tenir compte dans l’enseignement.

Lors de la puberté (période où l’on se détache des parents pour se tourner vers d’autres), les mécanismes d’identification sont également très importants et trouvent leur pic vers l’âge de 13-14 ans. La féminisation du corps professoral et la faible présence du père dans le foyer (à la suite d’un divorce) pourraient avoir un impact négatif à cet égard.

La puberté est également l’occasion de se détacher des parents, et principalement de la mère, donc de « détruire » leur part de féminin. À cette période, les garçons sont plus enclins que les filles à la prise de risque, parfois irraisonnée, pour démontrer leur masculinité.

La croissance et l’acquisition de ce nouveau corps plus grand et plus lourd, couplées à l’inattention et au goût pour le risque, peuvent devenir un cocktail très dangereux!

Le cas particulier des mathématiques

Une étude longitudinale, réalisée aux États-Unis en 2016, avait pour objectif de mesurer l’évolution de l’écart qui existe entre les filles et les garçons. Ses auteurs ont conclu que l’écart existait toujours bel et bien :

  • Bien que les compétences en mathématiques soient équivalentes en début de maternelle, des écarts de performance et de confiance apparaissent à la fin de la 3e année, donnant un avantage significatif aux garçons;
  • Alors que les filles prennent l’avantage sur les garçons en lecture au cours de la maternelle, cet écart disparaît pendant le primaire.

Pourtant, des tests réalisés en 2004 ont montré que l’avance des garçons existait surtout en haut de la distribution. Sous les résultats médians, l’écart était quasi inexistant et tout en bas de la distribution, c’était même les garçons qui apparaissaient comme étant les moins performants.

Ce monopole des garçons en haut de l’échelle tend à expliquer pourquoi seulement 19 % des diplômés ingénieurs aux É.-U. sont des femmes.

Les résultats en mathématiques dès le plus jeune âge sont un indicateur très robuste du choix de carrière futur mais, selon Ganley & Lubienski (Cimpian, 2016), ils prédisent également la motivation et l’intérêt pour les matières scientifiques des années du primaire et du secondaire.

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D’autres études ont montré que les préjugés des enseignants étaient également différents en fonction du genre de l’élève :

  • Les garçons sont considérés comme étant meilleurs en mathématiques;
  • Les enseignants ont des attentes supérieures en mathématiques pour les garçons;
  • Les enseignants fournissent des retours plus spécifiques aux garçons;
  • Selon Robinson-Cimpian et al. (Cimpian, 2016), les compétences des filles sont même évaluées moins bien que celles des garçons à performance et comportement égaux. (Bizarrement, cette « discrimination » n’existe pas dans les autres matières);
  • Une autre étude américaine, portant sur 1600 élèves et leurs parents, démontre que 39 % des garçons s’entendent dire qu’ils seraient bons en informatique contre seulement 26 % des filles.

Les écarts de performance mesurés lors de la dernière évaluation PISA montrent une plus grande variation chez les garçons que chez les filles. Ce constat démontre que les performances ne dépendent pas de compétences innées liées au sexe de l’élève.

Les activités scientifiques des garçons sont plus importantes que celles des filles, selon le dernier rapport du PISA :

A. Regarder des programmes télévisés sur des thèmes de
B. Acheter ou emprunter des livres sur des thèmes de
C. Surfer sur des sites Web traitant de thèmes de
D. Lire des revues de ou des articles scientifiques dans les journaux
E. Fréquenter un
F. Simuler des phénomènes naturels à l’aide de programmes informatiques ou dans des laboratoires virtuels
G. Simuler des procédés techniques à l’aide de programmes informatiques ou dans des laboratoires virtuels
H. Visiter des sites Web d’organisations écologiques
I. Suivre les actualités des organisations scientifiques, environnementales, écologiques sur des blogs et des micro-blogs

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(Source : OCDE, Base de données PISA 2015)

Les attentes de la société envers les garçons

Il est demandé aux garçons de maîtriser leurs émotions. Ce comportement les amène naturellement vers les métiers ou matières scientifiques cartésiens où la maîtrise de soi et de ses pulsions sont des qualités nécessaires.

Seth Stephens-Davidowitz (2014) a réalisé une enquête à partir des recherches Google. Il a découvert que la question des parents “Is my son gifted?” apparaissait 2,5 fois plus que la question “Is my daughter gifted?”. Quand on sait que les garçons sont présents aux deux extrémités du spectre de performance scolaire en sciences, cette question des parents peut être interprétée comme étant « Mon fils est-il un génie? » ou « Mon fils est-il débile? »!

Si la société croit en ce genre de stéréotype, les enseignants ne font pas exception. Et le regard sexué que pose l’enseignant sur l’élève influence son comportement : à force d’étiquettes collées de façon subjective, le garçon peut facilement devenir ce dont on le caractérise.

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Les besoins exprimés par les garçons

Éric Tremblay, enseignant de 6e année au Québec, a questionné ses élèves garçons sur leurs ressentis et leurs besoins à l’école et partage cet échange dans le blogue des profs.

Voici ce qu’ils ont dit :

  • Les filles et les garçons ne sont pas traités de la même façon : « pour être bien vus à l’école, il faut avoir un comportement de fille »;
  • Ils souhaitent « aimer » leur enseignant, avoir un lien avec elle ou lui. L’enseignant devrait partager leurs intérêts (sport, jeu, musique, star…), jouer avec eux, bouger avec eux;
  • Ils aimeraient pouvoir transformer leur classe en « salle de jeu pour apprendre », parce qu’on apprend mieux dans le plaisir;
  • En dernier lieu, et c’est encourageant, le sexe de l’enseignant n’a aucune importance à côté des critères précédents.

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Les solutions pour la classe

Afin d’établir le diagnostic de la situation, on pourra tout d’abord mettre en place un suivi sexué des résultats par matière, des sanctions et des récompenses ainsi que du choix des orientations. Ce suivi permettra de mettre en lumière (ou non) un éventuel écart entre les deux sexes et, par le suivi de son évolution, de visualiser l’impact des nouvelles pratiques.

Les pratiques décrites ci-dessous permettent de s’appuyer sur les caractéristiques initiales des garçons tout en s’attachant à développer les compétences qui pourraient leur faire défaut, comme la concentration, les relations sociales, la communication, la motricité fine…

1. Le respect

Les garçons répondent bien aux personnes qui ont de l’ambition pour eux et qui démontrent de la confiance dans leurs capacités. Ne mettez jamais un garçon en situation d’humiliation! (Exemples : demander à un garçon qui a des difficultés en lecture de lire devant la classe ou le placer avec des filles pour qu’il se calme.)

L’adulte évaluant un travail ou intervenant auprès du groupe au sujet d’un problème de comportement doit toujours être attentif à ses a priori sexués et s’attacher autant que possible à ne pas polluer son analyse par ces stéréotypes.

2. Le besoin d’un chef et d’un héros

Aujourd’hui, au Canada, 87,4 % des enseignants du préscolaire et du primaire sont des femmes (source : Statistique Canada). Bien que les études ne s’accordent pas toutes quant à l’impact d’un enseignant sur l’apprentissage des garçons, on peut imaginer que ces derniers ont plus de difficultés à s’identifier à une enseignante. Ils estiment de prime abord ne pas avoir de centres d’intérêt à partager avec elle. D’autre part, la surreprésentation des femmes dans le milieu scolaire pourrait leur laisser penser que l’école est un endroit destiné principalement aux filles. Il faut aussi souligner que le nombre important de parents divorcés renforce cette absence du modèle masculin auprès de l’enfant. Un enseignant pourra jouer ce rôle. De plus, il pourra, par son intérêt marqué pour la lecture, les arts, la créativité – matières considérées comme étant « féminines » – amener les garçons à s’épanouir dans ces domaines sans arrière-pensée. Inviter un journaliste masculin pour vanter l’écriture par exemple pourra développer la motivation pour cette activité. S’assurer de l’implication du père dans le suivi scolaire sera tout aussi important afin d’éviter l’association mère-travail scolaire ou féminin-travail scolaire.

Les garçons ont besoin de limites et de savoir clairement qui est le chef. Les situations plus « libres » d’apprentissage peuvent donc être anxiogènes pour les garçons qui, alors, auront tendance à niaiser ou à faire preuve de faible motivation.

3. Utiliser des signaux physiques pour demander le silence

Les garçons sont moins sensibles que les filles aux signaux du corps et plus capables de faire abstraction du bruit de fond (ou de l’enseignant demandant le silence). Se déplacer au fond de la salle, éteindre et rallumer la lumière, lever la main ou un drapeau sont autant de signes qui seront plus facilement compréhensibles par les garçons pour obtenir le silence.

4. Moins de règles et moins de mots

Simplifiez et limitez les règles de vie de la classe. Appliquez-les de façon consistante et juste. Préparez une image qui résume la règle et pointez-la lorsqu’elle n’est pas appliquée. Exprimez les règles de façon claire et positive : « Marche! » plutôt que « Ne cours pas! ».

5. Plus de valeurs

Les garçons sont sensibles à la hiérarchie et aux valeurs. De même que pour les règles, établissez quelques valeurs qui régissent la classe (générosité, fraternité, etc.) et faites-les respecter de façon consistante. Apprenez aux garçons qu’ils peuvent être des héros, mais qu’être un vainqueur n’implique pas forcément que quelqu’un soit perdant.

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6. Appliquer les méthodes des jeux vidéo

Les garçons sont très attirés par le jeu et la compétition, surtout s’il n’y a pas de vainqueur ultime. Ils aiment le sentiment de puissance ainsi que l’échappatoire que leur procurent les jeux (comme pourrait le faire un livre). Ils sont aussi un bon moyen d’intégrer des règles et d’enseigner leur respect. Des études ont montré qu’à raison d’une heure par jour au maximum, les jeux vidéo auraient un impact positif sur les relations sociales, la concentration, la réactivité. Mais qu’au-delà de trois heures, le jeu devenait nocif pour le développement.

Le jeu permet l’interaction sans le dévoilement intime. Il permet aussi de s’affronter sans se faire réellement mal et sans tenir compte de sa véritable force physique. Le jeu répond de plus aux besoins d’aventure ressentis par les garçons.

Recommandations :

  1. Essayez autant que possible d’organiser des activités avec un but à atteindre;
  2. Faites en sorte que le défi soit difficile, mais possible à relever en le découpant en étapes;
  3. Assurez un taux de succès plus élevé que le taux d’échec (un jeu bien conçu amène à 80 % de réussite aux premières parties avant d’atteindre progressivement, mais notablement 100 % pour passer au niveau suivant);
  4. Donnez l’opportunité d’essayer à nouveau.

Attention néanmoins aux garçons plus sensibles et moins compétitifs! Assurez-vous qu’ils restent engagés et donnent le meilleur d’eux-mêmes. Donnez plus de temps aux garçons pour répondre. Permettez-leur de demander de l’aide à un ami.

7. Expérience et kinesthésie

  • Les garçons sont plus sensibles au mouvement : tant à leur propre mouvement qu’à celui de l’autre. Utilisez des animations ou des vidéos aussi souvent que possible;
  • Déplacez-vous et laissez-les se déplacer aussi. Organisez des activités motrices en lien avec la leçon. (Exemple : pour un cours de syntaxe en français, découpez des cartes sur lesquelles vous aurez inscrit les mots et proposez de les remettre dans l’ordre sur le sol.);
  • Les garçons aiment viser (un panier de basket, une cage de soccer, une cible, etc.). Tenter d’atteindre un objectif est donc une bonne technique avec eux;
  • Intégrer plus d’activité physique pendant le cours et en parascolaire aidera les garçons à gérer leur impulsivité, notamment en incluant des consignes de mouvement ou en laissant la liberté de mouvement pendant la classe;
  • Les garçons apprenant mieux en associant une perception sensorielle, intégrez le toucher, le goût, l’ouïe ou la vue à l’apprentissage de nouvelles informations.

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8. Représentation spatiale et visuelle

La motricité fine, l’écriture, l’organisation mentale et structurée de ses idées sont autant d’activités difficiles pour un garçon. Les neurosciences ont également prouvé que l’ouïe, l’odorat et la finesse du toucher étaient moins performants chez les garçons que chez les filles. En revanche, la vision et la représentation spatiale sont de vraies forces pour eux, surtout la vision des détails. L’utilisation du scénarimage (storyboard) avec ou sans mots aide les garçons à structurer leurs idées de façon ludique; le passage à l’écrit des idées sera alors simplifié. De même, l’usage de l’ordinateur plutôt que du papier-crayon sera bénéfique aux garçons qui, ainsi, ne seront pas freinés par leur « faible » motricité fine.

9. Gérer la colère

La testostérone favorisant la compétition, il faut accompagner le garçon pour éviter toute frustration qui pourrait engendrer agressivité, colère ou impulsivité. Pour ce faire, on peut s’assurer que les garçons aient suffisamment d’occasions pour se défouler (à l’extérieur ou en sport) et les aider à maîtriser leurs émotions. La première des choses sera de faire prendre conscience au garçon de ses propres émotions, de développer le vocabulaire associé qui lui permettra de les exprimer oralement plutôt que physiquement.

La colère ou l’humiliation sont de gros freins à l’apprentissage. Essayez autant que possible de désamorcer la colère en rencontrant le garçon en privé (pour éviter l’humiliation devant les pairs). Les garçons étant également moins empathiques que les filles, résoudre un conflit en demandant « Que penses-tu que ton ami ressent? » fonctionnera moins bien qu’en disant « Je ne le laisserai pas te faire ça, et je ne te laisserai pas lui faire ça. »

On peut également mettre en place un défouloir physique dans la classe, isolé du reste du groupe : ballon de frappe (punching-ball), coussin à frapper et autres. Par ailleurs, le groupe pourrait définir un code secret, uniquement connu de lui, qui serait le signal d’une frustration. Plutôt que d’exprimer ses sentiments, le garçon concerné pourrait énoncer le mot de code, et les autres comprendraient alors son état et sauraient comment réagir.

Un système de réclamation peut aussi être mis en place à l’aide d’une boîte et de papier disponibles ou d’une boîte virtuelle partagée en réseau. Demandez aux garçons de rédiger sur papier leur frustration, de dessiner leur colère, de cocher des cases avec des situations prédéfinies, etc., et revenez-y tous ensemble pour reparler de la situation à tête reposée et réfléchir au comportement à adopter dans ces situations. Ces séances d’analyse en groupe pourraient permettre d’exposer les ressentis de chacun dans des situations données et, par conséquent, de développer la compétence empathique.

10. Humour et loyauté

Les garçons gagnent leur popularité par l’humour, les compétences et les réalisations. Si vous les aidez à construire ces compétences (en présentant des méthodes, par exemple en leur donnant des suggestions, des astuces) ou si vous valorisez leurs réalisations, ils vous seront dévoués.

L’humour est un très bon moyen de communication avec les garçons. (Attention, cependant, à ne pas l’utiliser contre un garçon en l’humiliant!) Intégrer de l’humour dans les présentations d’information (drôle de voix, attitude théâtrale, etc.) peut être un très bon moyen de récupérer l’attention des garçons.

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11. Groupe de travail unisexe

Quand c’est possible, séparez les groupes selon le sexe des élèves et proposez des activités répondant aux spécificités de chaque groupe. Par exemple, les garçons choisissent le sujet d’étude et prépareront une pièce de théâtre pour raconter leur passage préféré d’une œuvre; de leur côté, les filles prépareront une affiche écrite qui reprend les qualités des personnages principaux du livre qu’elles ont choisi d’étudier. On peut imaginer des matières intégralement enseignées en séparant les deux sexes, notamment pour tenir compte du fonctionnement, des centres d’intérêt et des différences de maturité (par exemple, en termes de conceptualisation pendant la puberté). Cette organisation pourrait permettre de changer l’image de certaines matières, comme la lecture. L’enseigner spécifiquement aux garçons lors d’une heure de cours supplémentaire donnée par un homme pourrait, par exemple, conférer à cette activité une image plus virile. (En parallèle, un cours supplémentaire de sport donné par une femme pourrait être organisé pour les filles et ainsi, changer l’image de ce cours auprès d’elles.)

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12. Prise de risque et besoin de valorisation

La prise de risque est un besoin d’émancipation qu’il ne faut pas nier. Il est nécessaire au développement psychologique du garçon puisque ce dernier prouve ainsi sa capacité à se détacher de ses parents. (D’ailleurs, nous pourrions nous interroger sur une corrélation entre l’explosion de normes et d’interdits dans les écoles et la montée de l’hyperactivité chez les garçons ces dernières années…) Plutôt qu’une hyperprotection ou une surabondance d’interdits, on préférera l’accompagnement dans les explorations (par exemple, organiser des activités risquées, comme des sauts à l’élastique, ou une sortie de camping dans un cadre sécurisé), la formation aux premiers secours et la valorisation de ses prises de risque raisonnées dans ce cadre sécurisé. Tenez compte de son besoin d’héroïsme en valorisant ses réussites et en en parlant. Cette valorisation permettra de réduire sa recherche de risque. Confier au garçon des responsabilités lui évitera aussi de s’ennuyer et de s’adonner à des activités risquées; communiquer avec ses parents pour aider au « détachement » et à la prise d’autonomie de leur fils pourra de même éviter la prise de risque inconsidéré. Enfin, pour limiter les accidents et lui permettre d’apprivoiser ce nouveau corps qui grandit, veillez à développer les qualités motrices, l’équilibre, la coordination, la souplesse et les réflexes.

13. Lutter contre l’inattention et l’hyperactivité

  • Instaurez une routine et respectez-la. Faites référence à l’horloge pour aider l’enfant à savoir combien de temps il reste pour une tâche et pour savoir où le groupe se situe dans la routine;
  • Prévenez l’enfant cinq minutes avant le changement d’activité et autorisez le mouvement entre les activités, si nécessaire;
  • L’introspection et la rêverie ne sont pas des activités appréciées des garçons. Dans un premier temps, évitez les moments trop longs sans activité. Pour aider un garçon à développer ces qualités, prenez le temps de discuter avec lui de façon informelle en lui demandant à quoi il pense pendant une période d’inactivité. Introduisez des périodes inactives de temps en temps et gérez la durée en fonction de son comportement en essayant d’allonger les séances au fur et à mesure. Vous pourriez aller jusqu’à intégrer des exercices de méditation;
  • Pour leur apprendre à contrôler l’impulsivité, donnez des exercices avec réponses à différer;
  • Proposez des exercices de mémorisation visuelle, de remise en ordre de consignes multiples;
  • Améliorez la perception visuelle avec des jeux de « chercher l’intrus » ou « chercher la différence »;
  • Réduisez les sources de stress et d’excitation – évitez les objets trop fragiles, trop bruyants, trop lourds;
  • Réduisez les sources de distraction – réduisez les affichages, les activités visibles par la fenêtre, etc.;
  • Faites-vous aider par un spécialiste pour évaluer et établir un diagnostic si vous avez un doute sur un élève – le plus tôt le trouble est détecté, le plus facile sera le soin.

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14. La préparation à l’âge adulte

Comme nous l’avons vu, la maturité arrive plus tardivement chez les garçons. Parallèlement, la prise de risque les caractérise. Afin de les aider à comprendre les phases qui les mèneront à leur statut d’adulte, enseignez aux garçons les différentes étapes de leurs responsabilités civile, pénale, sociale (professionnelle) et sexuelle ainsi que celles qu’ils sont autorisés à prendre au sein de leur communauté (école, quartier ou association). Et célébrez (pourquoi pas!) l’acquisition de ces nouveaux droits et devoirs lorsqu’un garçon atteint l’âge défini.

15. Apprendre à vivre ensemble et à respecter l’autre sexe

L’école peut aussi aider à déconstruire certains stéréotypes acquis par les élèves à l’aide de discussions en classe. Faites-les réfléchir sur le partage des rôles à la maison, les aptitudes associées à chaque sexe, l’évolution de la place de chacun notamment autour d’un roman du siècle précédent. Discutez de la faible présence des femmes dans les manuels d’histoire, de la place donnée aux femmes dans certaines émissions de téléréalité… Demandez-leur de lister trois caractéristiques pour les garçons et pour les filles et discutez des résultats. Et ainsi, amenez les élèves des deux sexes à remettre en cause certains modèles acquis en les aidant à distinguer les faits scientifiques des croyances non fondées.

Conclusion

En conclusion, bien que le caractère génétique du sexe soit indéniable, une grande partie de la construction comportementale des garçons est déterminée par l’éducation qu’ils reçoivent et le comportement social qu’on adopte envers eux. Adapter son attitude aux spécificités d’un garçon dès le plus jeune âge aura de fortes répercussions sur son attitude future :

  • Développons la communication avec lui;
  • Valorisons ses qualités propres;
  • Favorisons les travaux sur ordinateur qui le motivent davantage et l’inhibent moins;
  • Luttons contre les stéréotypes à la fois de jugement (en le « labellisant » sous prétexte qu’il est un garçon) ou en critiquant et en limitant ses forces naturelles de garçon sous le couvert de l’égalité des sexes.

Apprenons à chaque élève à être fier d’être une fille ou un garçon pour l’aider à se conduire avec dignité, et ne construisons pas un nouveau sexe faible.

 

Sources

Auduc, J.-L., avec la collaboration de Rivière, C. (2009). Sauvons Les Garçons!, Descartes & Cie.

Burman D. D., Bitan, T., Booth, J. R. (2007). Sex Differences in Neural Processing of Language Among Children, Neuropsychologia.
doi: 10.1016/j.neuropsychologia.2007.12.021

Carr-Chellman, A. (2010). Gaming to re-engage boys in learning. TED Talk. https://www.ted.com/talks/ali_carr_chellman_gaming_to_re_engage_boys_in_learning#t-731162

Cimpian, J. R., Lubienski, S. T., Timmer, J. D., Makowski, M. B., Miller, E. K. (2016). Have Gender Gaps in Math Closed? Achievement, Teacher Perceptions, and Learning Behaviors Across Two ECLS-K Cohorts, Sage journals, AERA Open 2.4.

Clerget, S. (2015). Nos garçons en danger! École, santé, maturité – Pourquoi c’est plus compliqué pour eux et comment les aider, éd. Flammarion.

Fuller, A. « Home ». http://andrewfuller.com.au/

Garner R. (2008). Boys do better when they are taught by men, study finds, Independant. http://www.independent.co.uk/news/education/education-news/boys-do-better-when-they-are-taught-by-men-study-finds-946109.html

Gurian, M., King, K. (2006). With Boys in Mind / Teaching to the Minds of Boys. http://www.ascd.org/publications/educational-leadership/sept06/vol64/num01/Teaching-to-the-Minds-of-Boys.aspx

Gurian, M., Stevens, K. (2006). How Are the Boys Doing? How Boys Learn. http://files.eric.ed.gov/fulltext/EJ750613.pdf

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