La métacognition

CONNAISSEZ-VOUS LA MÉTACOGNITION? SI VOUS ÊTES ENSEIGNANT, VOUS CONNAISSEZ BIEN LE CONCEPT, À TOUT LE MOINS LE MOT, INTRODUIT PAR FLAVELL AU DÉBUT DES ANNÉES 70.

DANS CE DOSSIER, NOUS VOULONS DÉMYSTIFIER CE CONCEPT ET ENCOURAGER LES ENSEIGNANTS À DÉVELOPPER LES COMPÉTENCES MÉTACOGNITIVES CHEZ LES ÉLÈVES. POURQUOI DONC? PARCE QUE NOUS SOUHAITONS QUE NOS ÉLÈVES DEVIENNENT DES APPRENANTS AUTONOMES.

DÉFINITIONS

Prendre conscience de ses propres processus et produits cognitifs;

Observer sa façon de réfléchir et la réguler;

Alors qu’on limite souvent les compétences métacognitives à la capacité de gérer son temps, de résoudre un problème, de comprendre et de mémoriser, Flavell annonçait que les connaissances métacognitives (ou métaconnaissances) étaient de trois types :

  • la connaissance de soi − les représentations sur sa façon d’apprendre, ses points forts ou ses points faibles, exemples : je retiens mieux en visualisant ou en répétant à voix haute;
  • la connaissance de la tâche − les représentations sur la nature de la tâche, son utilité, son exigence, le temps nécessaire pour la mener;
  • la connaissance des stratégies − la connaissance sur les manières les plus efficaces de conduire une activité à son but : stratégies de résolution de problème, de gestion du temps, de prise de notes, de mémorisation, de compréhension, etc.

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LES COMPÉTENCES MÉTACOGNITIVES

Bien qu’il n’existe pas de liste de compétences métacognitives universelle, l’objectif de la démarche est d’amener l’enfant à prendre conscience de ses propres mécanismes intellectuels pour le conduire progressivement vers l’autonomie de son apprentissage. L’OCDE a d’ailleurs préconisé, en 2006, de placer l’évaluation des compétences métacognitives au coeur de l’évaluation des élèves.

Parmi la liste de compétences métacognitives, on trouve dans la littérature, notamment :

  • Savoir résoudre un problème;
  • Savoir prendre des notes (repérer les informations importantes, les hiérarchiser et les mettre en forme);
  • Savoir comprendre;
  • Savoir gérer son temps (évaluer le temps nécessaire pour mener une tâche, connaître ses espaces de temps de travail pendant la semaine);
  • Savoir s’autoréguler (contrôler sa propre performance et ajuster les stratégies en conséquence);
  • Savoir demander de l’aide;
  • Savoir ce que l’on sait et ce que l’on ne sait pas;
  • Savoir tirer parti d’un échec et transférer en cas de réussite;
  • Savoir mémoriser.

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LE RÔLE DE L’ENSEIGNANT

Il doit non seulement dispenser du savoir, mais aussi accompagner son appropriation par l’enfant. Puisque les tests ne mesurent que l’acquisition du savoir, il est très tentant de repousser le développement des compétences métacognitives à plus tard et de ne se consacrer qu’au développement du savoir. Mais l’enseignant doit être conscient que l’acquisition du savoir NE PEUT se faire qu’à la condition de développer des compétences métacognitives.

C’est par la médiation cognitive que l’enseignant donne à l’élève les moyens d’apprendre et donc les clés pour sa réussite scolaire. –Barth, 1993

Il lui faut, tout à la fois, aider l’élève à prendre conscience de ses démarches, les améliorer et respecter sa démarche cognitive personnelle.

Il doit rester bienveillant pour aider l’élève à construire son estime de soi par l’acquisition de méthodes d’apprentissage plutôt que de laisser s’installer des difficultés qui le feront entrer dans un cercle vicieux d’échec scolaire. Un climat d’écoute et de respect est donc crucial.

L’enseignant doit faire prendre conscience à l’élève qu’il est le maître de son apprentissage et que le choix de stratégies est la clé de sa performance.

Il doit encourager la réflexion de l’élève plutôt que de lui apporter les réponses sur le quoi faire, le comment faire et l’évaluation.

LES ENJEUX

Tarder à aider l’élève à développer ses compétences métacognitives, c’est laisser s’installer un cercle vicieux de lacunes d’apprentissage, de mauvaise estime de soi et de faible confiance en soi qu’il deviendra de plus en plus difficile d’inverser.

Les retards ou les difficultés d’apprentissage sont liés au fait que l’élève n’a pas encore acquis les compétences nécessaires pour apprendre. Travailler sur ses compétences d’apprentissage est donc essentiel.

Les élèves qui n’ont pas appris à apprendre pendant leur parcours scolaire rencontrent plus de difficultés, sont plus découragés et désengagés de leur apprentissage, ils sont plus perturbateurs en classe et ont tendance à avoir de plus faibles performances académiques. –Donna Wilson et Marcus Conyers, fondateurs du programme Drive Your Brain®

Développer les habitudes métacognitives peut également aider à développer la résilience : « O .K., maintenant je suis coincé. Que puis-je faire? Comment puis-je acquérir ou obtenir ce dont j’ai besoin pour cette tâche? Que puis-je apprendre de mes erreurs? »

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LE RISQUE

Il ne s’agit pas d’apprendre à apprendre, mais bien de développer des méthodes cognitives à partir de savoirs. Durkheim disait, en 1938, qu’on ne peut pas détacher la pensée de son objet :

L’esprit n’est pas une forme creuse que l’on peut façonner directement, comme on façonne un verre que l’on remplira ensuite.

La méthode cognitive peut varier d’un contexte à l’autre. Par exemple : la prise de notes en mathématique est différente de la prise de notes en ECR. Prenons l’exemple d’une démonstration mathématique écrite au tableau. L’élève doit superposer à cette démonstration les commentaires oraux donnés par l’enseignant sur comment passer d’une ligne à l’autre. En ECR, l’élève doit détecter les idées ou les mots-clés du discours et des documents présentés afin d’en faire un texte qui reprend toutes les informations importantes partagées pendant le cours.

Chaque individu applique sa propre méthode cognitive. Une méthode globale ne peut ainsi être enseignée à l’ensemble des élèves. L’objectif est donc de faire découvrir à chaque élève sa propre manière de fonctionner, de la remettre en cause et de choisir, si nécessaire, une autre méthode pour obtenir de meilleurs résultats.

Les adolescents peuvent avoir du mal à exprimer leur processus intellectuel devant leurs camarades.

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LES STRATÉGIES DE L’ENSEIGNANT

Définir les objectifs d’acquisition de connaissances et de compétences métacognitives

Pour chaque nouvelle leçon, l’objectif d’apprentissage défini par l’enseignant doit porter à la fois sur la connaissance à acquérir et sur la compétence associée, par exemple savoir lire et savoir soutenir son attention. L’enseignant doit définir ces compétences avec précision. Il peut alors déterminer les activités à proposer aux élèves pour répondre à ces deux objectifs. Les objectifs doivent être explicites pour les élèves.

S’appuyer sur le déjà-là

On apprend à partir de, grâce à, voire contre ses savoirs d’expérience. La première étape consiste donc à faire émerger les stratégies « déjà là » de l’élève et à construire à partir d’elles. Connaître les compétences et les méthodes d’apprentissage de chacun de ses élèves est une nécessité.

Varier les plaisirs

Tout en respectant le fonctionnement cognitif de chaque élève, il est important de lui faire découvrir d’autres méthodes qui fonctionnent pour d’autres.

Organiser des « pauses métacognitives »

Après une expérience d’apprentissage significative (les recherches suggèrent d’attendre 15 minutes entre la fin de l’apprentissage et la réflexion métacognitive), aider l’élève à prendre du recul sur son processus d’apprentissage :

  1. Explication : quelles connaissances ai-je apprises dans cette leçon? Quelle stratégie ai-je employée pour les assimiler?
  2. Analyse : cette stratégie était-elle efficace? Ai-je obtenu des résultats comparables à mes résultats précédents? Pourquoi?
  3. Abstraction : quelle(s) leçon(s) puis-je en tirer pour l’avenir? Dans quel autre contexte pourrais-je utiliser ces stratégies à nouveau?

Le rôle de l’enseignant à cette étape est primordial : le jugement de l’élève n’est pas toujours objectif et sans le recadrage de l’enseignant, l’élève pourrait tirer de « fausses » leçons. Exemples : j’ai révisé ma leçon, je la connaissais par coeur hier soir, pourtant, je n’ai pas su répondre aux questions de l’examen. Ce sentiment de « connaître la leçon » peut être contesté ou remis en cause par l’enseignant en expliquant la différence entre la mémoire à court terme et la mémoire à long terme. Ces pauses métacognitives sont ensuite discutées entre pairs. Comme la confrontation à une autre culture nous permet de mieux cerner notre propre culture, ces confrontations peuvent aider les élèves à mieux cerner leurs propres méthodes d’apprentissage.

Découvrir, répéter, évaluer et ajuster

  1. Faire émerger ou présenter plusieurs stratégies pour développer une compétence métacognitive :
    • Exemple de compétence : savoir comprendre un texte.
    • Exemples de stratégies associées : identifier un but de lecture, échanger avec les pairs, observer la forme d’un texte pour repérer son organisation, dessiner, reformuler, se fabriquer des images mentales, prévoir, relire les passages difficiles, se poser des questions avant de lire, souligner, entourer.
  2. Au cours de tâches conçues spécifiquement par l’enseignant et de difficultés ascendantes, inviter les élèves à mettre en pratique ces stratégies pendant une période de plusieurs semaines.
  3. Faire évaluer son acquisition de la compétence par l’élève (en l’aidant dans cette évaluation) et l’inviter à revoir ses stratégies si besoin.

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Modéliser, systématiser

Pendant une période de plusieurs semaines, donner et répéter le cheminement stratégique associé à une compétence sous forme d’instructions détaillées. Par ce biais, les élèves développeront une sorte de réflexe métacognitif :

  • Exemple de compétence métacognitive : résolution de problème.
  • Exemples de cheminement stratégique qu’on répétera aux élèves pendant cinq à six semaines :
    1. Sur quoi porte le problème?
    2. Quelles sont les similarités et les différences entre le problème présenté et les problèmes que vous avez résolus dans le passé? Pourquoi?
    3. Quelles sont les stratégies, les tactiques, les principes appropriés pour résoudre le problème?
    4. Qu’est-ce que je n’ai pas fait correctement? Est-ce que la solution a un sens?

Séquence de travail sur les compétences métacognitives

L’enseignant peut aussi mettre en place des activités centrées sur le développement des compétences métacognitives. Mais attention, certaines recherches ont démontré que travailler de façon isolée et décontextualisée pouvait s’avérer inefficace, d’autant plus que l’élève pourrait avoir des difficultés à mobiliser ces compétences développées « hors contexte » à des tâches plus spécifiques. L’enseignant devra donc penser à aider l’élève à faire les liens entre les tâches et les compétences métacognitives développées.

Guider l’élève dans son analyse métacognitive

L’enseignant peut partager une liste de questions qui aideront l’élève à prendre du recul sur sa façon de travailler. Liste de questions pour guider les élèves vers la métacognition qui peut être complétée par l’enseignant ou utilisée comme évaluation.

Cahier de suivi

Un cahier personnel peut être mis en place. Chaque élève y consigne alors ses réflexions sur ses propres mécanismes d’apprentissage. Dans ce cahier, l’élève est invité à lister régulièrement les stratégies qu’il met en place et à en évaluer l’efficacité.

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LES ENVIRONNEMENTS FAMILIAUX POUR LE DÉVELOPPEMENT DES COMPÉTENCES MÉTACOGNITIVES DE L’ENFANT

Les élèves qui ont de meilleures compétences métacognitives ont un environnement qui :

  • Aide à l’exploration
  • Encourage à anticiper les actions futures
  • Encourage l’autoévaluation
  • Renvoie des rétroactions positives
  • Fait reformuler
  • Pose des questions

Les élèves qui ont de moins bonnes compétences métacognitives ont un environnement qui :

  • Explique ce qu’il faut faire
  • Évalue le résultat
  • Renvoie des rétroactions négatives
  • Donne des réponses

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LECTURE RECOMMANDÉE

Pour guider la métacognition, dans lequel les auteures, Lafortune L., Jacob S. et Hébert D., décrivent des interventions réalistes en classe.

RÉFÉRENCES

(2015). Apprendre à apprendre, les enjeux de la métacognition. Article repéré sur le site de l’Inspection de l’Éducation Nationale d’Andolsheim.

Delvolvé, N. (2006). Métacognition et réussite des élèves. Extrait des Cahiers Pédagogiques

Ferlazzo, F. (2016). Response: Metacognition Is a ‘Catalyst for Action’.. Entretiens. Education Week Teacher.

Händel, M., Artelt C., Weinert, S. (2013). Assessing metacognitive knowledge: Development and evaluation of a test instrument.. Journal for Educational Research Online, vol. 5, no 2, 162–188.

Musial, M., Pradère, F., Tricot, A. (2012). Comment recevoir un enseignement?. Repéré sur le site de l’Académie de Toulouse.

OCDE (2012). Le cadre d’évaluation de PISA 2009 : Les compétences clés en compréhension de l’écrit, en mathématiques et en sciences, PISA , Éditions OCDE.

Proust, J. (2012). L’importance de la métacognition.. Colloque Sciences cognitives et éducation, Collège de France.

Romainville, M. (2007). Conscience, métacognition, apprentissage : le cas des compétences méthodologiques. Paru dans « La conscience chez l’enfant et chez l’élève », sous la direction de Francisco Pons et Pierre-André Doudin. Presses de l’Université du Québec, 2007, 108-130.

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