Comment aider le tiers faible

Quelles sont les meilleures pratiques pour aider nos élèves aux résultats fragiles à surmonter leurs difficultés ? Récupérations, cours du samedi et tutorat sont toujours les moyens en place dans les écoles pour tenter de les soutenir. Malgré cela, année après année, une portion de nos élèves se trouvent près des situations d’échec. Force est donc d’admettre que nous ne répondons pas aux besoins plus spécifiques de nos élèves.

Différents facteurs pourraient expliquer ce phénomène : un niveau de développement cognitif différent pour chacun, une démotivation face à la matière, un stress de performance, des parcours et évaluations trop uniformes qui manquent de laisser tous les jeunes actualiser leur potentiel, des difficultés en français, etc. Un voyage pédagogique en Finlande a permis à notre directeur de classe de 5e secondaire, monsieur Michel Twigg, de découvrir des modèles d’école, comme la Rajamaki High School, qui considèrent véritablement les élèves dans le tiers faible comme une priorité.

«Tiers faible», l’expression est intéressante. Bien sûr, nous prendrons garde de ne pas faire varier nos attentesen fonction de la courbe normale selon laquelle deux élèves réussissent remarquablement et autant d’élèves échouent. Il s’agit plutôt de développer et systématiser les meilleurs gestes pédagogiques qui permettraient d’accompagnerles parcours des apprenants ayant le plus besoin de nous. Nous croyons que nous pouvons faire la différence. Lors d’une activité de développement professionnel, nous avons demandé aux enseignants de réfléchir à leurs façons moins traditionnelles de soutenir leurs élèves, puis de tenter de les communiquer à leurs collègues de toutes matières ayant manifesté leur intérêt.

À notre tour, nous les répertorions dans cette publication.

DES OBJECTIFS DE RENDEMENT D’ÉQUIPE

Trouver Marie-Hélène Simard au milieu de ses élèves peut s’avérer difficile. Cette enseignante de mathématiques de 5e secondaire, adepte de la pédagogie active, a choisi un modèle de classe en atelier dès son arrivée au Collège après 9 ans comme enseignante pour le Cirque du Soleil. Aussi,au lieu de servir des routines et des recettes aux élèves, elle s’investit à plein dans les tâches, à leur hauteur, pour qu’ils développent leur compréhension de sa matière.

L’an dernier, Mme Simard prenait part à un de nos apéros pédagogiques pendant lequel nous relancions une démarche d’entraide entre les élèves qu’on retrouvait en conclusion de l’article d’Allison King de 1993 au titre célèbre : From sage on the stage to guide on the side. Selon la chercheuse, « une amélioration des résultats semble se produire surtout quand on introduit une sorte d’objectif d’équipe tout en conservant une évaluation individuelle ». Mme Simard s’est approprié cette méthode, choisissant de rajouter aux élèves un point boni si l’objectif de chaque coéquipier se voit atteint. « Les faibles sont responsables de la note de groupe, et le groupe le sait. Et ce ne sont pas nécessairement les forts qui ressortent. Ça valorise énormément les plus faibles », affirme-t-elle.

LES PRINCIPES DE LA STRATÉGIE

  • Des défis sont lancés aux élèves. L’élève se fixe un objectif de rendement individuel et le partage avec son équipe et l’enseignante.
  • L’entraide et l’interdépendance deviennent indispensables pour l’atteinte de l’objectif de tous.
  • Les élèves bénéficient d’explications élaborées de leurs pairs.
  • L’enseignement à ses pairs améliore sa propre compréhension.
  • Une conséquence positive ou négative est instaurée selon le système de l’enseignante : un point boni pour Marie-Hélène Simard. Un autre enseignant pourrait plutôt demander aux élèves dont les collègues ont manqué leur objectif d’enregistrer une capsule de remédiation qui servirait aux apprenants de l’année prochaine.

PLUS-VALUE POUR LE TIERS FAIBLE

Développement d’attitudes prosociales (confiance, engagement, etc.) entre les élèves.

L’envie de persévérer quand les explications viennent de leurs amis.

L’occasion pour les élèves moins forts, mais habiles communicateurs, de se réaliser.

Nette progression dans les résultats : jusqu’à 10 points pour l’expérimentation de Mme Simard.

UN ESPACE D’ENTRAIDE ANONYME

« Il faut permettre aux élèves d’apprendre par les questions de leurs collègues auxquelles ils n’avaient pas songé », de dire Gabrielle St-Germain. Comme Marie-Hélène Simard, dont nous venons de décrire la pratique, on profitera du moment sensible des évaluations pour inculquer aux élèves un sentiment de responsabilité entre eux. Créer un espace collaboratif réunissant les apprenants et l’enseignante dans un outil Web efficace commePadlet s’avère alors très favorable, en particulier pourles élèves du tiers faible. Nous savons qu’ils s’entraident déjà informellement dans les réseaux sociaux et par textos. Cependant, il est probable que cette aide ne soit pas également dispensée. De plus, comme l’enseignante se trouve exclue de ces échanges, elle ne peut pas autant soutenir ses élèves.

LES PRINCIPES DE LA STRATÉGIE

  • En prévision d’une évaluation, un espace public d’entraide numérique.
  • Tous les élèves peuvent lire les questions et les réponses de leurs collègues comme de l’enseignante.
  • Le rôle de l’enseignante est de superviser l’entraide, en validant les connaissances et les stratégies partagées.
  • Les questions des élèves discrets peuvent demeurer anonymes.

PLUS-VALUE POUR LE TIERS FAIBLE

Les élèves ont l’occasion de développer leur compétence en reprenant de la base.

L’erreur est plus pédagogique que pénalisante.

L’usage de l’humour dans le nom des niveaux est aussi source de persévérance.

OUTILS ET RESSOURCES

Images annotées : ThingLink
sainte-anne-technopedagogique.weebly.com/thinglink.html

Badges Credly
sainte-anne-technopedagogique.weebly.com/lespacedecours#parcoursbadges

FORMER DES EXPERTS DANS L’ENSEIGNEMENT PAR LES PAIRS

L’enseignement par les pairs représente peut-être la meilleure manière d’offrir un défi aux élèves tout en soutenant ceux du tiers faible. Mais une telle différenciation n’est pas toujours facile à instaurer dans des contextes de grands groupes, souvent hétérogènes. Brigitte Sauvé, enseignante de mathématiques, Guylaine Beaupré, enseignante de chimie, Geneviève Décarie et Ménaïc Champoux, enseignantes de français, ont toutes mis en place un système d’experts, avant ou après l’évaluation.

LES PRINCIPES DE LA STRATÉGIE

  • Sélectionner des élèves qui réussissent très bien et leur attribuer des équipes hétérogènes.

ou

  • Former des équipes de façon aléatoire avec l’outil Google de Mathieu Boucher et Jean Desjardins, adapté d’un dispositif de David Beauchesne.

ou

  • Associer les élèves par type de difficulté.
AVANT UNE ÉVALUATION

Les experts développent de nouvelles compétences et préparent le matériel de révision pour leur équipe.

APRÈS UNE ÉVALUATION

Les experts prennent le temps d’effectuer un retour sur les difficultés spécifiques de chacun des membres.

PLUS-VALUE POUR LE TIERS FAIBLE

Un soutien plus individualisé.
Les élèves plus à l’aise de poser des questions.
Valorisation de l’entraide et de la collaboration.
Démonstration à l’oral de la compréhension.

ÉVALUER LE RÉINVESTISSEMENT DE L’ERREUR

Les recherches démontrent que notre cerveau apprend mieux d’une erreur. Donc, comment concrètement laisser une place à l’erreur, et quelles possibilités de réinvestissement offrir ?

Ménaïc Champoux, Geneviève Décarie et Karine Villeneuve, enseignantes de français au 2e cycle, ont tenté une expérience qui s’est avérée très bénéfique pour les élèves. En effet, à la suite de la correction d’une épreuve d’écriture, les élèves ont dû identifier une de leurs problématiques et en faire l’analyse. Les enseignantes ont ensuite misé sur l’enseignement réciproque et construit leur évaluation à partir des contenus produits par les élèves.

LES PRINCIPES DE LA STRATÉGIE

  • Un diagnostic des forces et difficultés de l’apprenant (établir son profil).
  • Un travail d’analyse d’une des difficultés identifiées.
  • Outiller l’élève, l’amener à raisonner sous forme de questionnement en contexte d’évaluation.
  • Prévoir des tâches différenciées pour les élèves forts : production d’exercices et de corrigés, aide aux pairs.
  • L’évaluation construite à partir du travail des élèves.
  • La grille d’évaluation différenciée.

PLUS-VALUE POUR LE TIERS FAIBLE

Travail perçu comme pertinent par l’élève : un seul élément, directement lié à sa compétence et à sa réussite.

Développement de stratégies métacognitives.

Apprentissage stable dans le temps, durable.

OUTILS ET RESSOURCES

L’espace numérique de cours ChallengeU.

Les outils de création de sites Web Weebly et Wix, ainsi que les pages Web Tackk.

VALORISER LES ÉLÈVES FAIBLES

« Comment redonner de la confiance aux élèves du tiers faible ? Elle est mise à rude épreuve pendant leur parcours scolaire ! », voilà la question amenée par Michel Twigg, directeur de 5e secondaire. La littérature sur le sujet indique que la réussite d’un élève est tributaire de la perception qu’il a de sa compétence et de sa motivation. Pourtant, nos mécanismes de renforcement (galas, mentions spéciales, activités-récompenses, etc.) continuent de valoriser d’abord les élèves performants. M. Twigg propose différents changements à notre culture scolaire afin d’engager davantage les apprenants du tiers faible.

LES PRINCIPES DE LA STRATÉGIE

  • Reconnaître les attitudes, les démarches et les progrès de l’élève. Souligner ses forces et ses apports à ses équipes, lui qui a plutôt l’habitude de voir beaucoup de rouge sur ses travaux…
  • L’élève se fixe un objectif de rendement personnel, réaliste, auquel l’enseignant associe une gratification (par exemple, un courriel automatique envoyé à l’élève et ses parents).
  • Valoriser la disposition à poser des questions : des remerciements pour les questions et la reformulation de leurs propos afin de leur accorder de l’importance.
  • Publier les projets de classe ou de vie scolaire.
  • Revoir les activités-récompenses afin de reconnaître aussi les attitudes qu’on désire encourager (par exemple, les attitudes de coopération).